Lettres des Amazighs à l’Ambassadeur de France à propos de l’école marocaine

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Excellence Monsieur Christophe Lecourtier, Ambassadeur de la République de France au Royaume du Maroc

Objet : comment éviter l’échec annoncé du «Programme Education 2026» que la République de France voudrait financer au Maroc ?

Excellence,

Votre Agence Française de Développement (AFD) vient de lancer « Programme Education 2026 » avec certains représentants du gouvernement marocain, en l’occurrence messieurs Chakib Benmoussa, Ministre de l’Education Nationale, du Préscolaire et des Sports et Fouzi Lekjaa, Ministre délégué chargé du budget, pour « renforcer le partenariat de votre pays avec le Maroc dans le domaine de l’éducation », le 18 mars passé, en votre présence et de celle de la Directrice de l’AFD. Cet ambitieux programme, doté d’un budget substantiel de 134,7 Millions d’Euros, vise à renforcer la qualité des apprentissages, notamment via l’enseignement du et en français au collège et la réduction d’un tiers de l’abandon scolaire.

Avant tout, nous saluons fortement cet élan de coopération et votre palpable soutien de la « Feuille de route 2022-2026 » en accordant vos priorités à ce crucial chantier d’éducation concernant la petite enfance et la lutte contre les abandons scolaires, qui sont devenus vraiment très préoccupants, dépassant annuellement les 300 000 enfants !

A priori et malheureusement, du fait qu’on déteste qu’on joue avec le destin des enfants, je suis dans l’obligation de vous prévenir, -comme je l’avais déjà entrepris avec la Banque Mondiale [1]-, que ce programme est automatiquement voué à l’échec, ainsi que la réforme de la nouvelle Feuille de route 2022-2026 du ministre BENMOUSSA [2], si vous n’arrivez pas à convaincre ce ministre francophile à rectifier le tir. Pourquoi ?

Laissez-moi porter à votre connaissance que lorsque M. Dominique de Villepin, en étant ministre des Affaires Étrangères sous le gouvernement de M. Jean Pierre Raffarin et sous la présidence de feu Jacques Chirac, avait offert une conférence de presse dans sa ville natale de Rabat, juste après le séisme d’Alhoceima de 2004, j’ai eu l’occasion de lui poser une pertinente question, celle de savoir le pourquoi de l’Etat français, par rapport à ces incalculables programmes de coopération internationale dirigés au Maroc, excluait presque toujours la région du Rif, sous influence de l’ancien protectorat espagnol ? Je lui avais exposé l’exemple que Nador ni Al-Hoceima ne disposaient d’aucun centre culturel français alors que l’Espagne avait créé des écoles et des centres « Cervantes » un peu partout, et inclus dans la zone sous protectorat français. Monsieur le ministre l’avait sagement répondu que c’était toujours les autorités marocaines qui leur proposaient leurs priorités en ce qui concerne les projets de développement durable!

J’ai la sensation que c’est ce qui se passe avec la signature de ce nouvel accord de coopération. En plus, j’ai la conviction totale que vous souhaitez que votre engagement se traduit et s’accompagne de résultats concrets, positifs et bénéfiques à la petite enfance et aux élèves du monde rurale et des régions montagnardes périphériques, et plus particulièrement aux fillettes et aux filles, où l’abandon scolaire est plus manifeste. De ce fait, je suis, aussi, convaincu que ce budget alloué, venant des impôts de vos compatriotes en ces difficiles temps d’austérité et de crise financière, soit utilisé à bon escient pour une bonne cause et qui pourrait permettre aux élèves, à part de lutter contre l’échec et les abandons scolaires, d’apprendre la langue de Molière au sein de nos écoles. Néanmoins, il existe un grand risque comme quoi ce programme pourrait connaître le même sort que le « programme d’urgence » de l’irresponsable ex-ministre du PAM M. Ahmed Akhchichène, connu tristement par le gaspillage et les malversations des deniers publics ! Afin d’éviter le même sort que ce dernier, je vous conseille vivement d’attirer l’attention et la responsabilité de l’ancien ambassadeur marocain à Paris et actuel ministre de l’Education nationale, M. Chakib Benmoussa, en exigeant de lui demander de respecter les recommandations de l’UNESCO et les nouveaux principes de la Banque Mondiale en ce qui concerne l’importance d’intégrer la langue maternelle au sein de ce programme que vous venez de signer. Comme je viens de le rappeler au sein de ma correspondance dirigée aux députés espagnols, à l’occasion du vingtième anniversaire des attentats djihadistes de Madrid [3], votre prestigieux expert en linguistique, M. Alain Bentolila, avait souligné lors de son opportune intervention inaugurale du 15 novembre 2019, à Paris, à la Conférence des ministres de l’Education nationale des Etats et gouvernements de la Francophonie, que : « les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable et que sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles ».

En effet, si vous arrivez à convaincre ce ministre marocain en poste de ce secteur éducatif à devenir réaliste et pragmatique, et à entamer, en conséquence, une authentique politique volontariste contre cette discrimination raciale à l’encontre de la langue maternelle, en généralisant l’enseignement de celle-ci, dont la langue amazighe, co-officielle et nationale en fait partie, les objectifs de la nouvelle feuille de route 2022-2026, – soutenue par vos précieux financements (134,7 Millions d’Euros), ajoutés à ceux de la Banque Mondiale (750 millions de dollars), ainsi que ceux de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de l’Union européenne (102,5 millions d’Euros)-, seront gratifiés par des résultats positifs palpables, à l’exemple de l’extraordinaire expérience des écoles communautaires Medersat.com de la Fondation de Bank Of Africa [4], qui ont eu le mérite et le courage d’appliquer les conseils de M. Bentolila, et à propos de laquelle M. Benmoussa connaît parfaitement et avait manifesté, lors de sa visite à l’école Medersat.com de Bouskoura le 21 janvier 2022, que : « ce réseau se distingue par rapport aux autres fondations par l’importance accordée à l’enseignement des langues, en particulier la langue amazighe, notant que comme on peut le constater dans cette école qui ne se situe pas dans une région amazighophone, la langue amazighe est enseignée depuis le préscolaire jusqu’à la 6e année du primaire … l’amazigh est enseigné en tant que langue parlée et écrite et simultanément avec la maîtrise de la langue arabe et de la langue française, relevant qu’il s’agit d’une expérience extrêmement importante pour l’ensemble du système éducatif au Maroc qui montre de ce que cette dynamique est possible lorsque les conditions sont réunies [5] ».

En définitive, en espérant que ma lettre d’interpellation trouvera écho auprès de votre excellence, et ne restera pas lettre morte, veuillez agréer l’expression de mes salutations les meilleures.

Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA)

Copie :

  • Madame Quiterie Pincent, Directrice de l’Agence Française de Développement au Maroc
  • M. Stéphane Séjourné, Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères de la République Française
  • M. Emmanuel Macron, président de la République Française
  • S.A.R. La Princesse Lalla Meryem, présidente de l’Observatoire National des Droits de l’Enfant
  • M. Aziz Akhennouch, Chef du Gouvernement du Royaume du Maroc
  • Chakib BENMOUSSA, Ministre de l’Education Nationale, du Préscolaire et des Sports
  • M. Fouzi Lakjaa, Ministre délégué chargé du Budget
  • Mme. Audrey Azoulay, Secrétaire Générale de l’UNESCO
  • M. Habib El Malki, Président du Conseil Supérieur de l’Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique

Notes :

[1]- http://amamazigh.org/2023/05/la-banque-mondiale-repond-a-lassemblee-mondiale-amazighe-sur-le-sujet-de-la-sauvegarde-de-lecole-marocaine/
[2]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/generalisation-de-la-langue-amazighe-lassemblee-mondiale-amazighe-proteste-contre-la-politique-discriminatoire-du-ministre-chakib-benmoussa/
[3]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/il-y-a-des-maures-sur-la-cote/
[4]- www.facebook.com/Amadalpresse/videos/152290157725467
[5]- www.facebook.com/ChakibBenmoussaMinistre/posts/132826212578989

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