Le Maroc et le génocide linguistique de la langue maternelle

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A l’aimable attention de Mme. Audrey AZOULAY

Directrice générale de l’UNESCO,

Objet : Le Maroc et le génocide linguistique de la langue maternelle

Madame la Directrice générale,

A l’occasion de cette journée mondiale de la langue maternelle, je tiens à vous interpeller de nouveau sur la politique du génocide linguistique affichée de gouvernement marocain à l’encontre de la langue amazighe, en continuant à ignorer carrément des recommandations de l’institution onusienne dont vous avez l’honneur de diriger et qu’est l’UNESCO.

Madame la Directrice générale,

Je vous écris une deuxième fois après que le ministère de l’Education Nationale rend public le Guide Pédagogique du Préscolaire, où il révèle qu’il se base sur l’enseignement de la langue arabe classique et le français, en excluant complètement la langue amazighe et le darija qui sont les langues maternelles de la majorité écrasante des citoyennes et citoyens marocains.

Un ministre qui s’obstine à s’accrocher à une idéologie moribonde, obsolète et importée du lointain Proche Orient, qu’est « le nationalisme arabo-salafiste », et qui voudrait ignorer l’importance capitale de la langue maternelle dans l’enseignement primaire et préscolaire, ne mérite pas vraiment être à la tête de ce département ministériel. Monsieur Said Amzazi ne voudrait pas admettre que l’école marocaine a complétement échoué pour la simple raison qu’elle n’a jamais respecté les recommandations formulées déjà en 1962 par votre institution de l’UNESCO, à savoir de préconiser l’insertion de la langue maternelle dans l’enseignement primaire dès les premières années.

Comme le souligne le recteur Ahmed Boukous de l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM) :

1-    La langue maternelle assure la continuité entre l’environnement familial et le milieu scolaire.

2-    La langue maternelle garantit les conditions de succès de l’accès de l’enfant à un univers sociologique nouveau.

3-    La langue maternelle facilite l’acquisition des stratégies d’apprentissage en général et des habiletés de la lecture et de l’écriture plus efficacement qu’une langue seconde ou une langue étrangère.

4-    La langue maternelle étant le véhicule naturel de la pensée et de l’expression d’un peuple, son emploi pour l’éducation et l’alphabétisation resserre les contacts avec les sources de sa culture.

5-    L’enseignement en langue maternelle se trouve en outre investi d’une fonction de facilitation en jouant notamment le rôle de médiateur entre le référent culturel familial et le référent culturel et social véhiculé par l’institution scolaire….

Boukous ajoute que selon les experts de l’UNESCO, les pédagogues et les psychologues de l’enfant, la langue maternelle a des fondements psychopédagogiques solides, du fait qu’: « elle joue un rôle décisif dans son développement cognitif, dans sa relation psychoaffective à son environnement immédiat, dans sa scolarisation et dans le processus d’intelligibilité du monde ».

Récemment, le grand linguiste français Alain BENTOLILA, affirme, dans sa présentation inaugurale du 15 novembre passé, à Paris à la Conférence des ministres des Etats et gouvernements de la Francophonie, -dont fait parfaitement partie le Maroc-, que les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable. M. Bentolila ajoute que : « c’est sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles. ».

(www.leconomiste.com/article/1053276-si-l-ecole-ne-parle-pas-la-langue-de-ses-eleves).

C’est ainsi que le système éducatif marocain continuera à s’engouffrer de crise en crise, et malheureusement, nous sommes convaincus que le fond demandé par l’Etat marocain à la Banque Mondiale d’une valeur de 500 millions de dollars pour le préscolaire va connaître le même échec cuisant que le « programme d’urgence 2009-2012 » sous la responsabilité de l’ex-ministre Ahmed Akhchichene. Comme cet ancien ministre du Parti Authenticité et Modernité (PAM), Amzazi du Mouvement Populaire (MP) essaie de jouer avec le sort et l’avenir des petits. Et ces ministres, et à côté de Rachid Belmokhtar, ne font que perpétuer la politique de discrimination raciale à l’encontre des Amazighs, en s’activant sur le terrain à cette politique de génocide linguistique de la langue maternelle des marocains. Par conséquent, ils ne font qu’ accélérer le déracinement culturel des petits et à approfondir leur crise identitaire, en violant par conséquent les articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989. Ainsi, M. Said AMZAZI, a prévu un nombre ridicule d’enseignants de la langue amazighe, soit 180 sur les 15.000 postes budgétaires dans le budget alloué à son département pour l’année 2020, qui s’élève à 59,45 milliards de dirhams. Alors que juste pour enseigner l’amazigh, -qui est devenu une langue officiel depuis juillet 2011 et dont la loi organique a été adopté en septembre 2019-, à tous les élèves de la première année du cycle primaire, il faudrait au moins 5.000 professeurs spécialisés en amazigh, sans parler du reste des années du primaire et de l’enseignement préscolaire, qui nécessite plus de 100.000 professeurs. Selon l’ONU : « D’après les informations recueillies, seuls 13 % des élèves d’écoles primaires suivent des cours de langue amazighe et, selon des estimations, il faudrait environ 100 000 professeurs pour enseigner l’amazighe aux 4,5 millions d’élèves du primaire». (http://amadalamazigh.press.ma/fr/?p=2230).

Afin d’éviter de tomber dans la complicité de la dite politique marocaine de génocide linguistique et culturel, nous vous prions de bien vouloir vous exprimer et interpeller les responsables éducatifs de Royaume sur l’importance de la langue maternelle et le respect scrupuleux des recommandations de l’UNESCO.

Veuillez agréer, Excellence Madame AZOULAY, nos salutations les plus distinguées.

Signé : Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe.

En copie :

–  Président de gouvernement marocain

–  Ministre marocain de l’Education Nationale

–  Banque Mondial

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