L’AMA proteste de nouveau contre l’exclusion de l’enseignement de la langue amazighe aux enfants des citoyens marocains résidant à l’étranger

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L’AMA proteste de nouveau contre l’exclusion de l’enseignement de la langue amazighe aux enfants des citoyens marocains résidant à l’étranger

A l’attention de Messieurs :

Nasser BOURITA, Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération et des Marocains résidant à l’étranger (MRE) du Royaume du Maroc,

Chakib BENMOUSSA, Ministre de l’Education Nationale et du Préscolaire

Omar AZZIMAN, Président délégué de la Fondation Hassan II pour les MRE 

Driss EL YAZAMI, Président du Conseil de la Communauté Marocaine à l’Etranger (CCME)

Objet: quand allez-vous intégrer l’enseignement de la langue amazighe aux enfants des citoyens marocains résidant à l’étranger ?

Messieurs, azul,

A l’occasion de la journée internationale des peuples autochtones, célébrée chaque 9 août dans le monde, et de la journée nationale de migrant du 10 août, nous avons le plaisir de vous adresser une nouvelle fois, comme nous l’avons fait l’année dernière, notre correspondance afin de protester, énergiquement et légitimement, de votre incompréhensible politique de la persistance de la discrimination raciale à l’encontre des Amazighs de la communauté marocaine résidante à l’étranger de la part de vos respectives institutions.

Dans un discours adressé à la nation à l’occasion du 69ème anniversaire de la révolution du roi et du peuple, Sa Majesté le Roi Mohamed VI avait appelé à « moderniser et réhabiliter le cadre institutionnel de la communauté marocaine à l’étranger, et reconsidérer le modèle de gouvernance des institutions, en vue d’accroître leur efficacité et leur intégration ». Dans son allocution, Sa Majesté a ajouté : « Nous devons constamment nous demander : que leur avons-nous prévu pour consolider ce lien avec la patrie ? Le cadre législatif et les politiques publiques tiennent-ils compte de leur vie privée ? Les mesures administratives sont-elles à la mesure de leur situation ? Leur avons-nous fourni l’encadrement religieux et éducatif nécessaire ? » …

Deux années se sont, déjà, passées après cet important Discours Royal, et nous ne comprenons plus quelles sont les raisons qui poussent vos différentes institutions à continuer à nier et à exclure l’enseignement de la langue autochtone, nationale et co-officielle amazighe aux enfants des citoyens marocains résidants à l’étranger ? Pourtant, et à chaque occasion, nos diverses institutions nationales, dont les vôtres, ne cessent pas de souligner que l’amazigh est un bien commun pour tous les Marocains, sans exception. Alors pourquoi cette négligence continuelle de l’article 5 de la Constitution, de la loi organique n° 26-16 et des discours royaux ?

Aujourd’hui, on est en droit de s’interroger sur le sort des discours royaux et où est passée « la modernisation et la réhabilitation du cadre institutionnel de la communauté marocaine à l’étranger ? », et de se demander, de nouveau, « si le modèle de gouvernance des institutions existantes a-t-il été effectivement revu, dans le but d’accroître leur efficacité et leur intégration ? ».

Permettez-nous de vous confesser que, malheureusement, nous n’avons vu aucun changement tangible au sein des différentes autorités concernées, et qu’elles n’ont guère interagit avec la volonté royale exprimée dans le texte de ce discours, confectionné exclusivement à nos concitoyens résidant hors du Maroc.

Cependant, nous, en tant que société civile, suivant de très près ce dossier lié à la communauté marocaine résidente à l’étranger, nous n’avons ressenti aucune volonté politique de la part d’aucune de vos institutions de traiter la langue amazighe comme langue officielle de l’État et un bien commun de tous les Marocains. Au contraire, nous constatons que vos institutions ont fait preuve d’un cuisant échec à mettre en œuvre ce que Sa Majesté avait désiré, et par conséquent, votre incapacité à s’acquitter de vos fonctions comme il se doit, et nous mentionnons en particulier la discrimination persistante et incompréhensible à l’encontre de l’intégration de la langue et de l’identité amazighes de la communauté marocaine à l’étranger dans le domaine éducatif.

Nous avons envoyé, à plusieurs reprises, des courriers au Ministre de l’Education Nationale et à diverses institutions similaires concernant l’enseignement du tamazight aux enfants des Marocains à l’étranger [1]. Nous avons attiré plus d’une fois l’attention du ministre de l’Éducation nationale sur le fait que le mépris et la négligence de ce ministère pour l’enseignement de l’amazigh aux enfants de la communauté marocaine à l’étranger est une démarche délibérée qui reflète une discrimination raciale, qui va tout à fait à l’encontre de l’esprit de la Constitution, du contenu de l’article 5 de celle-ci, et aux objectifs de la loi organique n° 16-26 relatif à la mise en œuvre des étapes d’activation de l’officialité de l’amazigh et des modalités de son intégration dans le domaine de l’éducation et dans les domaines prioritaires de la vie publique, adoptée, depuis cinq ans [2]. Sans oublier de porter à votre connaissance que cela se fait en violation flagrante des articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant et des principales recommandations émises par l’UNESCO et par la Banque Mondiale [3] concernant l’importance cruciale de la langue maternelle dans l’éducation des enfants.

Nous insistons à vous exprimer que nous sommes très surpris par cette exclusion totale de la culture et de la langue amazighe, et nous considérons que la poursuite de la ratification des lois, décisions et projets intéressant le domaine des langues et de la culture marocaines aux émigrés avec l’exclusion injustifiée de la langue amazighe représente délibérément une discrimination raciale à l’encontre de la langue et de la culture de millions de Marocains, à l’intérieur et à l’extérieur du Maroc, tout en soulignant que l’écrasante majorité de ladite communauté marocaine résidente dans divers pays européens et dans le monde se révèle d’origine amazighe et amazighophone.

Nous vous rappelons de la correspondance déposée, au début de cette année, à notre ministre des affaires étrangères à propos des recommandations du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies concernant le respect des DROITS DES AMAZIGHS et de la LANGUE AMAZIGHE, où l’ONU demande au Royaume du Maroc d’intensifier vos efforts visant à mettre en œuvre et sur le terrain ces pertinentes recommandations onusiennes,  surtout qu’elles sont parfaitement compatibles avec la volonté et les orientations royales et ainsi qu’avec les dispositions de notre Constitution du 1er juillet 2011 [4].

Nous vous réaffirmons la nécessité d’enseigner la langue amazighe aux enfants des Citoyens Marocains Résidant à l’Etranger, et nous vous redemandons de travailler à partir de vos institutions pour établir une pleine égalité des chances entre les deux langues officielles de notre royaume, entre la langue arabe et la langue amazighe, et ceci en vous exigeant de :

–        Primo, respecter la loi suprême qu’est la Constitution et son article cinq;

–        Secundo, de répondre favorablement aux recommandations onusiennes du CERD qui vous demande d’intensifier vos efforts visant à mettre en œuvre la loi organique n° 26-16 relatives au caractère officiel de la langue amazighe, et en recommandant, tout particulièrement, d’accroître l’enseignement de l’amazighe dans tous les niveaux éducatifs …[5].

–        Tercio, d’appliquer sur le terrain les recommandations du Conseil National des Droits de l’Homme qui, récemment et à son tour, recommande, en matière des droits culturels, de renforcer les compétences linguistiques des employés de l’État et de l’administration qui fournissent des services publics dans la langue amazighe, et d’accorder la plus haute priorité à l’intégration de l’amazigh dans les cours élémentaires de l’enseignement public…[6].

–        Quarto, interagir positivement avec la volonté royale, et rappelez-vous que Sa Majesté le Roi Mohamed VI avait affirmé, à l’occasion de la décision de reconnaissance de nouvel an amazigh, le 3 mai 2023, que: « l’Amazighe en tant que composante essentielle de l’identité marocaine authentique riche par la pluralité de ses affluents et patrimoine commun à tous les Marocains sans exception », c’est-à-dire tous les citoyens Marocains, que ce soit ceux qui résident à l’intérieur du « Tamurt n Yakuch » (qu’est le nom étymologique originel autochtone du Maroc), et que ce soit ceux qui résident à l’étranger, hors de nos frontières territoriales.

En définitive, nous appelons vivement à votre sens de responsabilité et à votre devoir national, en tant que hauts responsables de vos institutions respectives, à traiter sérieusement cet important dossier lié à l’enseignement de la langue et de la culture amazighes aux enfants des Citoyens Marocains Résidents à l’Etranger. De surcroît, et sans aucun doute, ça constitue une formidable et salutaire initiative d’impliquer notre pays africain à contribuer à la participation active et à la réussite souhaitée de la Décennie Internationale des Langues Autochtones 2022-2032 que le Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies et l’UNESCO avaient lancé le 13 décembre 2022/2972 à Paris [7] !

Veuillez agréer, Messieurs, l’expression de nos salutations distinguées.

Signé : Rachid RAHA,

Amghar n Agraw Amadlan Amazigh (AMA)

Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA)

Notes :

[1]-  https://amadalamazigh.press.ma/fr/journee-nationale-de-migrant-discrimination-persistante-a-lencontre-des-amazighs-de-la-communaute-marocaine-residente-a-letranger/
[2]-  https://amadalamazigh.press.ma/pdf/26.16.pdf
[3]-  https://amamazigh.org/2023/05/la-banque-mondiale-repond-a-lassemblee-mondiale-amazighe-sur-le-sujet-de-la-sauvegarde-de-lecole-marocaine/
[4]-  https://amadalamazigh.press.ma/fr/lassemblee-mondiale-amazighe-demande-au-ministre-marocain-des-affaires-etrangeres-de-respecter-les-recommandations-onusiennes-concernant-les-droits-des-amazighs/
[5]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/lonu-recommande-au-maroc-dintensifier-ses-efforts-a-mettre-en-oeuvre-la-loi-organique-n-26-16-relative-au-caractere-officiel-de-la-langue-amazighe/
[6]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/le-conseil-national-des-droits-de-lhomme-cndh-met-en-evidence-les-blocages-des-droits-linguistiques-des-amazighs/
[7]- www.youtube.com/watch?v=Kf_afdec3XI&list=PLO6nQolenTletZBnJ2kHAp3N2RDhHg4Rv

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