L’Assemblée Mondiale Amazighe demande au ministre marocain des affaires étrangères de respecter les recommandations onusiennes concernant les droits des Amazighs

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A Son Excellence M. Nasser BOURITA, Ministre des Affaires Étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’étranger du Royaume du Maroc,

Objet : félicitations pour l’élection du Maroc à la présidence du Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU pour 2024/2974, les recommandations onusiennes du CERD et respect des droits des AMAZIGHS

Monsieur le Ministre,

Avant tout, nous tenons à vous exprimer nos profondes félicitations pour l’historique élection du Maroc à la présidence du Conseil des Droits de l’homme pour cette année 2024, coïncidant avec la nouvelle année amazighe, désormais officielle, de 2974.

Sachez bien que cette large victoire à la tête de ce très prestigieux organe des Nations Unies, en récoltant une trentaine de voix face au 17 votes en faveur de l’Afrique du Sud, ne voudrait exprimer, d’une aucune manière, que le Royaume du Maroc respecte les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, et encore moins, de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, adopté par l’Assemblée générale le 13 septembre 2007.

Laissez nous vous exprimer notre préoccupation dans le fait que cette opportune et salutaire élection du Maroc à la tête de ce conseil onusien de protection et de promotion des droits de l’Homme, ne soit pas utilisée afin de blanchir l’état marocain des violations de celles-ci, sinon, nous souhaitons fort bien, qu’elle devrait être un nouveau départ pour armer notre pays d’une volonté irréversible vers la consécration de l’État de Droit, de la consolidation de la démocratie et le respect des droits de l’Homme, dont les droits des Amazighs.
Comme le souligne Sa Majesté Le Roi Mohamed VI, dans son message au symposium international organisé à l’occasion du soixante-quinzième anniversaire de l’adoption par l’Assemblée Générale des Nations Unies de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, organisé à Rabat par le Conseil national des Droits de l’Homme (CNDH), le 7 décembre dernier : «Cette célébration constitue également un moment opportun pour dresser le bilan des réalisations en la matière, identifier les défaillances et les anomalies ayant entaché le processus de sauvegarde des acquis ainsi que les défis qui, à ce jour, empêchent la communauté internationale de promouvoir, d’une manière globale, les questions relatives aux droits de l’Homme. En effet, l’engagement du Royaume du Maroc en faveur de la promotion des droits de l’Homme au niveau national ne se limite pas à leur simple consécration constitutionnelle ; il devient également un pilier des politiques publiques et un paramètre essentiel à prendre en compte dans les choix stratégiques, aussi bien économiques, sociaux, culturels qu’environnementaux».

Monsieur Le Ministre,

Je porte à votre connaissance que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies avait publié les observations finales concernant le rapport du Maroc valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques, le 8 décembre dernier, où il a examiné le rapport du Maroc à ses 3024e et 3026e séances, les 22 et 23 novembre, et ses 3043 e et 3044 e séances, les 5 et 6 décembre 2023, et où il a adopté les présentes observations finales en ce qui concerne la question des Amazighs et de leur langue. De ce fait, il recommandait à l’État marocain, par rapport à la diffusion d’information, de mettre ses rapports à la disposition du public dès leur soumission et de diffuser également les observations finales du Comité qui s’y rapportent auprès de tous les organes de l’État chargés de la mise en œuvre de CERD/C/MAR/CO/19-21 13 la Convention, y compris les régions, les préfectures, les provinces et les communes, ainsi que de les publier sur le site Web du Ministère des Affaires Étrangères, de la coopération africaine et des Marocains Résidant à l’étranger ou sur tout autre site Web accessible au public dans les langues officielles et les autres langues couramment utilisées, selon qu’il conviendra [1].

Je vous signale que, déjà plus de 2 mois se sont écoulés, et votre département ministériel n’a encore rien entrepris par rapport à ces importantes et nécessaires recommandations onusiennes, et dont nous sommes obligés de vous les rappeler :

Par rapport au paragraphe des droits des AMAZIGHS :

Le Comité recommande à l’État partie de prendre les mesures nécessaires pour veiller à ce que les Amazighs puissent jouir pleinement de leurs droits dans des conditions d’égalité et sans discrimination, et lui recommande en particulier :

  1. De prendre des mesures visant à collecter des données ventilées par sexe et par âge concernant la participation dans la vie politique et publique de membres des groupes ethniques, et d’intensifier les mesures pour accroître leur participation dans ces domaines, en particulier des femmes appartenant à ces groupes, notamment dans les postes de décision ;
  2. De redoubler ses efforts visant à lutter contre la pauvreté qui affecte les Amazighs et garantir l’accès des Amazighs à l’emploi, à l’éducation et aux services de santé, sans discrimination ;
  3. De protéger les Amazighs contre la dépossession de leurs terres et les déplacements forcés, en particulier les femmes soulaliyates ; restituer les terres confisquées ou convenir d’une compensation adéquate ; assurer aux victimes un accès effectif à la justice ; et mener des consultations effectives et utiles avec les Amazighs avant d’autoriser un quelconque projet de développement ou d’exploitation des ressources naturelles susceptible d’avoir des incidences sur leurs terres ;
  4. De mener des enquêtes sur tous les cas d’usage excessif de la force par les représentants de la loi à l’égard des activistes, défenseurs de droits de l’homme et manifestants amazighs et veiller à ce que les responsables soient poursuivis et, s’ils sont reconnus coupables, fassent l ’ objet de sanctions appropriées, et que les victimes et leur famille obtiennent une réparation adéquate ;
  5. De prendre des mesures visant à adopter une législation spécifique sur la promotion et protection des défenseurs des droits de l’homme, y compris ceux qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale et sur les droits des groupes les plus exposés à ce type de discrimination.

Et quant au paragraphe concernant la LANGUE AMAZIGHE :

Le Comité recommande à l’État partie d’intensifier ses efforts visant à mettre en œuvre les dispositions constitutionnelles et la loi organique n° 26-16 relatives au caractère officiel de la langue amazighe, et lui recommande en particulier :

  1. D’accroître l’enseignement de l’amazighe dans tous les niveaux éducatifs, y compris au niveau de l’enseignement préscolaire, et d’élargir le nombre d’enseignants dûment formés à l’enseignement de l’amazighe;
  2. D’augmenter la présence de la langue et la culture amazighes dans les médias audiovisuels ;
  3. De réviser le cadre légal, notamment la loi n° 38-15 sur l’organisation judiciaire, à la lumière de la Constitution et la loi organique n° 26-16 qui font de l’arabe et de l’amazighe des langues officielles de l’État partie, afin que la langue amazighe soit utilisée au même titre que la langue arabe devant les tribunaux, y compris dans les plaidoyers et les jugements ;
  4. De veiller à ce que les officiers d’état civil respectent pleinement les dispositions normatives relatives au droit de tout citoyen de choisir le prénom de son enfant et de l’enregistrer, y compris les prénoms amazighs ;
  5. De redoubler d’efforts pour garantir l’utilisation effective de l’amazighe dans les documents officiels, tel que prévu dans la loi n° 26-16, et à cet égard, réviser la loi n° 04-20 relative à la Carte Nationale d’Identité Electronique qui n’as pas inclut une référence à l’emploi de la langue ni de l’alphabet amazighes parmi ses dispositions ni à la loi organique susmentionnée.

Deux mois et demi après la publication de ces devoirs du Maroc en ce qui concerne les droits de l’homme des Amazighs, nous sommes surpris et stupéfaits de voir que les autorités marocaines n’ont pris aucune mesure satisfaisante pour y répondre à ces pertinentes recommandations onusiennes.

Par exemple, le Ministère de l’Education Nationale compte recruter 51.903 nouveaux emplois pour la généralisation du préscolaire pour les enfants âgés de 4 à 5 ans, sans aucune mention à l’intégration de la langue amazighe, pièce maîtresse pour la réussite de ladite éducation préscolaire. En plus, ce ministère est noyé par des déclarations contradictoires, en ce qui concerne un chantier gouvernemental le plus important et le plus prioritaire, à savoir la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe au cycle primaire. Pour cela le comité du sixième rapport périodique du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, du 1er décembre 2016, les avaient calculés autour de 100 000 professeurs, alors que lors d’une rencontre à la ville de Nador, en octobre de 2021, l’actuel ministre avait proposé juste 17.000 professeurs, à raison qu’un professeur couvre 8 classes ! En juin, il proposait de couvrir 50% en recrutant annuellement et seulement 400 ou 600 professeurs. Pour arriver à cet objectif, avec ces chiffres dérisoires, il nous faudrait attendre, au moins, deux décennies, pour concrétiser les 50% de la généralisation de l’amazighe au niveau des classes de primaire !!! [2].

Un autre exemple : voici le wali de Bank Al Maghreb, qui manifeste son mépris à l’amazighité et s’obstine dans son attitude de discrimination raciale, en continuant à violer catégoriquement l’article 5 de la constitution et l’article 22 de la loi organique N°16-26 en nous sortant un nouveau billet de 200 dirhams, après de celui de 100, sans aucune référence à la langue amazighe ni à sa graphie tifinagh [3].

Un troisième exemple, le Ministère de l’Intérieur a délivré pas moins de 1.139.206 passeports biométriques, pour l’année 2023. Seul handicap, absence totale de la deuxième langue officielle du pays. De même par rapport aux cartes d’identité nationale délivrées par la Direction Générale de la Sûreté Nationale (DGSN) ! Et ces deux institutions, qui devront donner l’exemple en respectant la lettre constitutionnelle, ne manifestent, pour le moment, aucune volonté politique d’intégrer la langue amazighe au sein de ces importants documents officiels ni au sein de leurs moyens de transport, comme les véhicules de police, en continuant à violer l’article 5 de la loi suprême et les articles 21 et 28 la loi organique N°16-26 ! En plus, ce ministère, à travers son nouveau wali à la région de Souss Massa, vient de détruire tout un village de quelques 200 personnes, celui de pêcheurs à la localité de Tifnit, le 28 décembre dernier [4], et le village d’Imsouane le 18 janvier, en les rasant des cartes par les bulldozers…!

Monsieur Le Ministre,

Comme nous vous l’avons exprimé au début, nous sommes vraiment contents et honorés que notre pays, le Maroc, assure la présidence du Conseil onusien des Droits de l’homme pour cette année 2024/2974. Et en conséquence, nous aimerions fort bien que vous armez d’une « volonté politique claire » en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’Homme, par des actions nobles et des actes concrets.

Premièrement, pourquoi ne pas prendre d’urgentes et courageuses initiatives en faveur des droits de l’homme, comme la libération des jeunes détenus de «Amussu n Rif» (Hirak du Rif), afin d’envoyer de bons signes aux 30 pays qui ont confié leurs votes en faveur de notre pays, et y inclut même, aux 17 pays qui ont voté en faveur de l’élection du pays adverse de Nelson Mandela.

Deuxièmement, répondre positivement aux recommandations de respect des droits de l’homme abordées et discutées par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations Unies au sein des observations finales valant dix-neuvième à vingt et unième rapports périodiques concernant le rapport du Maroc. Et plus spécialement des droits de l’homme des Amazighs afin de valoriser la culture, l’identité et la langue amazighes. Comme l’affirme Sa Majesté Le Roi Mohamed VI : « Le monde a été confronté à plusieurs problématiques liées à l’universalité des droits humains, en particulier aux diverses prises de positions sur les particularités et la culture de chaque pays. Les avis et les discussions engagées à l’international ont conclu à la nécessité de valoriser la variété des cultures en tant que droit de tout être humain, puisque les spécificités n’empêchent pas la pleine jouissance des droits fondamentaux». Et à la suite de la reconnaissance du nouvel an amazigh, le 3 mai dernier, il avait mis l’accent sur la place de : «l’Amazigh en tant que composante essentielle de l’identité marocaine authentique, riche par la pluralité de ses affluents, et patrimoine commun à tous les Marocains sans exception».

Troisièmement, diffuser les observations finales du CERD, au sein des organes, institutions et départements ministériels de l’Etat, y inclus les régions, les préfectures, les provinces et les communes, et de les publier, le plutôt possible, sur le site Web du votre ministère.

En vous souhaitant bonne et prospère année amazighe 2974, veuillez agréer, Monsieur Le ministre, l’expression de mes salutations distinguées.

Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe

COPIE à :

  • Sa Majesté Le Roi MOHAMED VI, Palais Royal du Rabat
  • Monsieur Aziz AKHENNOUCH, Chef du Gouvernement du Royaume du Maroc
  • Monsieur Omar ZNIBER, Ambassadeur Représentant Permanent du Royaume du Maroc à Genève
  • Monsieur Volker TÜRK, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à Genève
  • Monsieur Omar Hilale, Représentant Permanent du Maroc auprès des Nations Unies à New York
  • Madame Audrey AZOULAY, Secrétaire Générale de l’UNESCO à Paris
  • Ministre de la Justice
  • Ministre de l’Intérieur
  • Directeur général de la Sûreté Nationale (DGSN)
  • Ministre de la Culture, de la Jeunesse et de la Communication
  • Ministre de l’Education nationale, du Préscolaire et des Sports
  • Madame Nathalie FUSTIER, Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Maroc
  • Madame Patricia Pilar LLOMBART CUSSAC, Ambassadeur et Chef de la Délégation de la Commission Européenne au Maroc & Eurodéputé-e-s
  • Monsieur Puneet TALWAR, Ambassadeur des USA au Maroc
  • Mesdames et Messieurs Ambassadeurs des pays : Allemagne, Espagne, Portugal, France, Angleterre, Belgique, Pays-Bas, Italie, Suisse, Danemark, Norvège, Suède, Finlande, Pologne, Chine, Turquie…

NOTES :

[1]- https://tbinternet.ohchr.org/_layouts/15/treatybodyexternal/TBSearch.aspx?Lang=en&TreatyID=6&CountryID=117

[2]- https://amadalamazigh.press.ma/fr/generalisation-de-la-langue-amazighe-lassemblee-mondiale-amazighe-proteste-contre-la-politique-discriminatoire-du-ministre-chakib-benmoussa/

[3]- https://www.h24info.ma/absence-de-lamazighe-dans-les-nouveaux-billets-de-bam-la-justice-bientot-saisie/

[4]- https://www.lejardinauxetoiles.net/post/la-destruction-du-village-de-p%C3%AAcheurs-de-tifnit-ressentie-comme-une-tr%C3%A8s-profonde-blessure

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