L’Assemblée Mondiale Amazighe proteste contre la politique discriminatoire du ministre Chakib BENMOUSSA en ce qui concerne la généralisation de la langue amazighe, qui va à l’encontre de la volonté royale, des droits constitutionnels, et des recommandations de l’ONU, de l’UNESCO et de la Banque Mondiale:
A Mass Chakib BENMOUSSA,
Ministre de l’Education Nationale, du Préscolaire et des Sports
Objet: votre réforme de la politique éducative pour la généralisation de la langue «officielle» et «autochtone» amazighe va à l’encontre de la volonté royale et des recommandations de l’ONU, de l’UNESCO et de la Banque Mondiale. Pourquoi?
Monsieur le Ministre,
Je suis au regret de devoir vous interpeller, une énième fois, sur l’échec annoncé et insistant de votre réforme de la politique éducatif en ce qui concerne la généralisation de l’enseignement de la langue amazighe, pourtant officielle et autochtone, dans l’enseignement primaire et de votre entêtement de l’exclure complètement de l’éducation préscolaire (1) et aux enfants des Marocains résidants à l’étranger (2).
Vous venez d’organiser une conférence de presse, vous avez annoncé que votre ministère allait recruter juste 400 professeurs de langue amazighe, comme celle du 6 septembre de l’année dernière, s’inscrivant toujours dans la continuité de la néfaste politique discriminatoire de l’ancien gouvernement du PJD et de son ministre Saïd Amzazi du MP contre la langue amazighe! Allant à l’encontre de la volonté politique de votre propre chef du gouvernement, Amghar Aziz AKHENNOUCH. Ce dernier ne cesse d’insister, à chaque fois, sur l’indispensable promotion de l’amazighité et à laquelle il lui a doté des budgets annuels conséquents (3).
Malheureusement, il paraît clair que votre intention de généraliser la langue amazighe dans le primaire n’est en fin de compte qu’un canular ! Comment y arriver avec 400 professeurs seulement par année ! Si votre staff ne sait pas faire des calculs simples, alors faisons-le ensemble. D’abord, rappelons ce que vous avez déclaré dans votre conférence de presse du 1er juin dernier. Vous avez souligné : « qu’actuellement, 1.066 établissements scolaires primaires enseignent l’amazighe, au profit de 330.000 élèves. Notre objectif est d’atteindre, d’ici 2030, 12 000 établissements capables d’enseigner l’amazighe, soit 4 millions d’élèves. Nous avons tracé une trajectoire pour atteindre ces chiffres et nous espérons atteindre nos objectifs d’ici 2026 » ! Pour généraliser l’enseignement de l’amazighe au primaire, le comité du sixième rapport périodique du Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies, du 1er décembre 2016, les avaient calculés autour de 100 000 professeurs, alors que vous, lors d’une rencontre à la ville de Nador, organisée par votre formation politique, le RNI, en octobre de 2021, vous avez vous-même proposé qu’il fallait 17.000 professeurs pour généraliser cet enseignement, à raison qu’un professeur couvre 8 classes ! Avec juste ce chiffre dérisoire, et en suivant votre raisonnement, pour arriver à cet objectif, nous devrons attendre 42 ans pour concrétiser ladite généralisation de l’amazighe à peine au niveau du cycle primaire, et seulement pour les 4 millions, alors qu’en 2065, le nombre d’élèves au primaire aurait dépassé la dizaine de millions !?
A propos de ce sujet, nous avons eu l’opportunité de dédier le 2ième Forum National des Amazighes du Maroc, organisé dans la ville de Khénifra les 2, 3 et 4 juin 2023/2973 par notre ONG, l’Assemblée Mondiale Amazighe, en collaboration avec l’Association des Enseignantes et Enseignants de la langue amazighe de la région Meknès-Fès, le journal «Le Monde Amazigh» et l’Association AYADINA, et avec le soutien de la Fondation allemande Friedrich Naumann pour la Liberté, où on a formulé de pertinentes recommandations, déposées au bureau d’ordre de votre ministère le 12 juin et où on vous demandait au moins de procéder à: «La révision du nombre de recrues d’enseignants spécialisés en amazighe en l’augmentant de 400 par année à 4 000 postes annuels pour accélérer le rythme de la généralisation», relatives à l’amélioration qualitative de la pratique éducative d’enseignement/apprentissage de l’amazighe au Maroc (4).
Et là, laissez-moi vous confesser que vous nous avez laissé perplexes devant votre insensibilité et votre autisme devant nos légitimes recommandations et le non-respect de nos droits constitutionnels !
Sachez bien que tant que vous entêtez à continuer à exclure la langue amazighe, pourtant officielle depuis 2011, du préscolaire, des enfants des citoyens marocains résidants à l’étranger et de limiter son enseignement à moins de 10% des élèves des classes du cycle primaire, soyez sûr que les abandons scolaires continueront à dépasser les 330 000 élèves annuellement, le taux de déperdition scolaire ne s’améliorera guère, ni les compétences de base de lecture et d’écriture … et que votre réforme éducative est voué à l’échec total, comme ce fût avec « le programme d’urgence » de l’ex-ministre Ahmed Akhchichène du PAM, qui traine au sein de divers tribunaux !
Je vous rappelle que votre obsession à la « discrimination raciale » à l’encontre de l’amazighité est une flagrante violation, qui va premièrement, à l’encontre des directives royales, deuxièmement, à l’encontre des règles constitutionnelles de l’actuelle Loi fondamentale du 1er juillet 2011, dont vous violez manifestement les dispositions du préambule qui prévoit de: «bannir et combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur, des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, de l’handicap ou de quelque circonstance personnelle», ainsi que les dispositions de l’article 5 qui précise que: «… De même, l’amazighe constitue une langue officielle de l’Etat, en tant que patrimoine commun à tous les Marocains sans exception …», et de de la loi organique N° 26.16, concernant les étapes de l’activation du caractère officiel de l’amazigh et sur la manière de l’intégrer dans le domaine de l’éducation et des domaines prioritaires de la vie publique, déjà adoptée par les deux chambres du parlement en 2019 (Dahir n° 1-19-121 du 12 moharrem 1441/12 septembre 2019).
En plus, votre incompréhensible et inadmissible attitude à bloquer la promotion de la langue et de l’identité amazighes, va à l’encontre des recommandations des Nations Unies, dont celles exprimées par le Comité du Pacte international des Droits Economiques, Sociaux et Culturels, en octobre 2015 (5), par le Comité du sixième rapport périodique du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 1er décembre 2016 et de la Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée, que Mme. Tendayi Achiume avait été élaboré à la suite de son invitation par le Royaume du Maroc en décembre 2018 (6). Sans oublier que vous menez une politique à l’encontre de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989, dont l’ article 7 affirme que les enfants ont droit à l’éducation dès la petite enfance et dont l’article 8 précise que: «Les États parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité…» et des nobles recommandations de l’UNESCO et de sa Décennie internationale des langues autochtones 2022-2032(7), ainsi que des conseils pragmatiques de la Banque Mondiale, qui souligne l’importance cruciale de la langue maternelle dans l’éducation des enfants (8).
En définitive, en espérant que cette lettre d’interpellation et de protestation trouvera écho auprès de vous, au moins pour une fois pour toute, et vous rappeler que vous n’êtes plus ministre de l’Intérieur, sinon ministre de l’Education nationale ! Laissez-moi vous rappeler la citation du grand écrivain français Victor HUGO, qui avait dit qu’ «ouvrir une école c’est fermer une prison». Cela, c’est pour vous dire que n’est pas de tout normal que la Police marocaine recrute 6 637 agents pour cette année, alors que vous, vous voulez recruter que 400 professeurs de langue amazighe, alors que le français et maintenant l’anglais, qui ne disposent pas de statut de langues officielles dans notre Constitution, dispose de dizaines de milliers de professeurs !.
Veuillez agréer, Monsieur Le ministre, l’expression de mes salutations distinguées.
Rachid RAHA – Amghar de l’Assemblée Mondiale Amazighe
COPIE à:
- Mass Amghar Aziz AKHENNOUCH, Chef du Gouvernement du Royaume du Maroc
- S.A.R. La Princesse Lalla MERYEM, présidente de l’Observatoire Nationale des Droits de l’Enfant
- Massa Audrey AZOULAY, Secrétaire Générale de l’UNESCO
- Mass M. Jesko HENTSCHEL, Directeur pays pour le Maghreb et Malte à la Banque Mondiale
- Massa Nathalie FUSTIER, Coordonnatrice résidente des Nations Unies au Maroc
- Massa Patricia Pilar LLOMBART CUSSAC, Ambassadeur et Chef de la Délégation de la Commission Européenne au Maroc
NOTES :
(3)- https://youtu.be/nPpGzaqs0nY
(7)- https://fr.unesco.org/idil2022-2032
