Rabat, le 21 juillet 2023/2973
- Monsieur Pedro Sánchez Perez-Castejon, président du Conseil de l’Union européenne et président du gouvernement espagnol
- Madame Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne
- Monsieur Charles Michel, président du Conseil européen
- Monsieur Josep Borrell i Fontelles, Haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité /Vice-président de la Commission européenne
Objet : Réparation des préjudices causés par la guerre chimique de la part de deux états européens contre les populations civiles du Grand Rif marocain.
Excellences,
A l’occasion du 102ème anniversaire de la fameuse bataille d’Anoual au nord du Maroc (1 : voir le reportage de RTVE), j’ai le plaisir de vous adresser cette correspondance afin d’attirer votre attention sur une question essentielle, qui reste encore en suspens, en relations avec les crimes contre l’humanité lors de la Guerre du Rif, commises par deux des états de l’Union Européenne, à savoir l’Espagne et la France, par l’utilisation massive des armes chimiques, contre des populations civiles durant la Guerre du Rif entre 1921 et 1927, aux portes de l’Europe, au nord du Maroc.
Je vous informe qu’à chaque anniversaire de cette légendaire bataille et de celle de la disparition du son héros, le révolutionnaire-libérateur feu Mohamed Abdelkrim El Khattabi, nous ne lassons pas de rappeler les autorités espagnoles et françaises leur demandant d’intervenir en faveur d’une solution amiable à cette tragique question de l’utilisation des armes chimiques de destruction massive, autrement interdites par le droit international.
Nous vous précisons que le Roi d’Espagne, Sa Majesté Felipe VI, à travers la Maison Royale a eu la gentillesse de nous répondre le 29 mai 2015, en précisant qu’elle avait adressé notre requête au ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération, qui était l’instance compétente, afin qu’il l’étudie et nous transmette la résolution appropriée. Malgré le fait que notre délégation, composée par Dr Mimoun Charqi, Amina Ibnou-Cheikh et moi-même, avait été reçue à l’Ambassade d’Espagne à Rabat le 23 juin de la même année, aucune réponse n’a été fournie pour le moment par aucun ministre. Ni M. José Manuel Garcia-Margallo, ni M. Alfonso Dastis, interpellé par le député d’ERC M. Joan Tarda i Coma aux Cortes le 7 février 2018 (2), ni M. Josep Borell i Fintelles, ni Mme Arancha Gonzalez Laya, ni l’actuel ministre M. José Manuel Albares Bueno n’ont pris la peine de le faire. Par conséquent, ils n’ont pas pris au sérieux nos revendications légitimes, pas plus qu’ils n’ont pris au sérieux les mots d’ordre royaux percutants émanant du chef de l’Etat.
De même, le Président de la République française, Monsieur Emmanuel Macron, avait bien reçu notre correspondance du 21 juillet 2021, à l’occasion du centenaire de la fameuse bataille d’Anoual, et qu’il nous avait confié « le soin de nous assurer de la meilleure attention avec laquelle il a été pris connaissance de notre courrier et les préoccupations qui motivent notre démarche« , nous avait écrit le commissaire en chef de 1ère classe de l’État-Major particulier de la présidence de la République, Jean Le Roch, le 10 septembre 2021 (Références : PDR/EMP/A057679). Ce dernier avait ajouté que : « soulignant qu’il s’agit d’un sujet délicat, il a fait savoir que cela relève des compétences confiées à la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées chargée de la mémoire et des anciens combattants ». Or, depuis et à ce jour, ni Mme. Geneviève Darrieussecq, précédemment ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, ni Mme. Patricia Miralles, de actuel Secrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, interpellé le 6 février dernier, n’ont pris au sérieux nos insistantes revendications, pas plus qu’elles n’ont pris au sérieux les mots d’ordre présidentiel pertinents émanant du président de la République !
Excellences,
En tant que hauts responsables de l’Union Européenne, nous vous adressons directement à vous, dans l’espoir que cette fois-ci notre demande sera « examinée avec soin et que vos services ne manqueront pas de nous faire directement savoir la suite susceptible de lui être réservée », au moment où le président Monsieur Emmanuel Macron avait eu l’audace d’affirmer en Algérie en février 2017 que : « la colonisation est un crime. C’est un crime contre l’humanité. C’est une vraie barbarie, et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes ». Le Roi Philippe de Belgique, lui aussi, avait exprimé ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo (l’actuelle RDC). La République fédérale d’Allemagne avait fait de même, lorsqu’elle a eu le courage de reconnaître d’avoir commis « un génocide » contre les Héréros et les Namas en Namibie au début du XXe siècle (et elle va les dédommager). Le premier ministre Mark Rutte des Pays-Bas, a reconnu le 19 décembre 2022 à La Haye que : « je pensais que l’esclavage était une histoire qui est loin derrière nous, j’avais tort, nous ne pouvons que reconnaître et condamner l’esclavage, dans les termes les plus clairs, en tant que crime contre l’humanité » et par la suite il a présenté ses excuses, à titre posthume à tous les esclaves du monde et à tous leurs descendants. Suivi par son roi, Sa Majesté Willem-Alexander, qui, à son tour, a présenté ses excuses et s’est dit « personnellement extrêmement » affecté, à l’occasion des 150 ans de l’abolition de l’esclavage dans les anciennes colonies, le premier juillet dernier (3).
En effet, l’Espagne, la France, et par extension l’UE, ne pouvaient continuer à rester indifférentes et insensibles envers cette historique et tragique injustice de l’utilisation des armes chimiques contre les populations civiles du Maroc du Nord, durant les années vingt du XXe siècle. Rappelons que la France et l’Espagne, en tant que « nations européennes civilisées », se sont engagées et responsabilisées d’un « Protectorat », selon le traité signé à Fès le 30 mars 1912 (4) sur tout le territoire du Maroc, censée assurer la protection de la monarchie, de la population et de leurs frontières authentiques, et tenues par le droit coutumier et conventionnel de la guerre de les protéger, et de ne pas se rendre complices ou utiliser elles-mêmes contre sa population des montagnes du Rif sans défense et non combattante des armes prohibée, comme le sont les armes chimiques, qui ont en plus des effets mutagènes et cancérigènes, comme l’ypérite ou gaz moutarde, le phosgène, le disphosgène et la chloropicrine » (5), et dont les populations continuent de souffrir aujourd’hui encore, du fait que la région du Grand Rif compte avec des taux très préoccupants de victimes de cancer !
En espérant attirer votre attention et vous conduire à vous pencher consciencieusement sur cette juste requête, nous vous prions d’agréer, Excellences, l’expression de notre considération fort distinguée.
Signé : Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA)
Copie:
- Su Majestad FELIPE VI, Rey de España
- Monsieur Le Président de la République française Emmanuel MACRON
Notes:
(2)- https://youtu.be/JWLUlN62cMI?t=17
(4)- https://mjp.univ-perp.fr/constit/ma1912.htm
Dossier de presse/ dossier de prensa: