AMAZIGHS D’ALGERIE: DES DROITS HUMAINS VIOLES EN TOUTE IMPUNITE

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Rapport alternatif de: l’Assemblée Mondiale Amazighe (AMA) au Comité des Droits de l’Homme des Nations Unies concernant L’examen de l’Algérie pour la 27-ème session du groupe de travail de l’EPU (du 1 au 12 mai 2017). (Human Rights Council Universal Periodic Review (Third Cycle))

I-Introduction : l’Algérie et les violations des droits des Amazighs :

La politique de l’État algérien depuis sa constitution illégitime, est une politique raciste et anti-Amazighe, qui a comme seule et unique mission, la négation et l’extermination des peuples autochtones et de tout ce qu’ils véhiculent comme histoires, cultures et valeurs universelles.

L’apartheid linguistique, culturel et identitaire continue d’être érigé en principe constitutionnel  du fait que la loi fondamentale de l’Etat algérien stipule dans son préambule : «  L’Algérie, terre d’Islam, partie intégrante du Grand Maghreb, pays arabe, méditerranéen et africain, s’honore du rayonnement de sa Révolution du 1er novembre et du respect que le pays a su acquérir et conserver en raison de son engagement pour toutes les causes justes dans le monde ».

Cette politique systématique a réussi à arabiser plusieurs territoires amazighs entre 50 % à 98 %, c’est le cas du pays Chenoua à Tipaza , Atlas Blidéen  et  Chawi, à l’Est et les pays de Chlouh, au Sud-Ouest et la région de Twat au Sud de l’Algérie. Les régions amazighes ont connu une marginalisation dans les programmes de développement et dans les infrastructures. L’état algérien a spolié les terres des amazighs  et a construit des quartiers afin d’immerger et surpeupler les villes par les arabes.

Les Amazighs d’Algérie son spoliés de tous leurs droits. En dépit de la constitutionnalisation de Tamazight comme langue nationale et officielle, l’enseignement de cette langue, la première langue de l’Afrique du nord demeure précaire et facultatif. Le caractère facultatif est le meilleur moyen de désintéresser les élèves et notamment quand les notes ne sont pas comptabilisées dans les examens du BEM et du BAC.

Les amazighs d’Algérie vivent toujours sous domination coloniale qui ne dit pas son nom. A vrai dire, de l’Algérie française à l’Algérie arabo-islamique, ils n’ont fait que changer de maître. Au jour d’aujourd’hui, il leur est interdit de donner des prénoms amazighs à leurs enfants, l’officialisation de tamazight n’est pas appliquée dans  les rapports officiels des différents ministères et départements de l’Etat soit civiles ou militaires. Cette pratique entre dans le cadre de la dépersonnalisation quant on sait que le patronyme dans notre culture incarne une identité et une civilisation.

En plus des droits fondamentaux relatifs à la langue, à la culture, à l’identité qui sont consacrés par tous les textes du droit international qui sont ratifiés  et bafoués par l’Etat algérien, les Amazighs subissent une colonisation de peuplement avec l’implantation de populations arabophones sur les territoires amazighophones dans le seul but de les minorer  et les diluer dans l’arabo-islamisme. Le processus d’arabisation s’est amplifié avec l’instrumentalisation du salafisme financé par l’Etat algérien et les pétrodollars du Golf. Une fois de plus, la religion est utilisé à des fins politiques visant l’anéantissement de tout ce qui est Amazigh.

Quand le multiculturalisme n’est pas reconnu, la démocratie avec tout ce qu’elle implique comme valeurs n’est pas respectée. De ce fait, les Amazighs sont privés d’espaces d’expression.

II-Atteintes aux droits de l’homme  en Kabylie :

Les manifestations publiques sont interdites et réprimées à l’instar de la marche organisée par le MAK à l’occasion de yennayer 2014. La répression a atteint son paroxysme  le 20 avril 2014 quand le pouvoir algérien a réprimé de manière barbare la Marche organisée à Tizi Ouzou par le même mouvement dans le cadre de la célébration du double anniversaire du printemps Amazigh et du printemps noir. Des dizaines de blessés et d’interpellation  ont été signalées et les autorités algériennes ont refusé d’assumer la responsabilité de leurs actes criminels. Des vidéos de lynchage des manifestants kabyles par les policiers algériens ont été diffusées sur les réseaux sociaux.

La période 2013-2016 a été aussi marquée par les atteintes à la liberté de conscience. Deux citoyens chaouis ont été condamnés à deux ans de prison ferme pour avoir rompu le jeûne  pendant le mois de ramadan, plusieurs autres ont été arrêtés en Kabylie et ont fait l’objet de poursuites judiciaires. Slimane Bouhafs,  un chrétien kabyle,  condamné à 3 ans de prison ferme  pour atteinte à l’islam. Merzoug Touati jeune animateur d’un blog ‘’alhogra.com ‘’ arrêté à son domicile à Bgayet et placé sous mandat de dépôt pour intelligence avec l’ennemi ‘’ israélien ‘’. Imad Belaid supporteur d’un club de football kabyle condamné à 1 an de prison ferme pour avoir brandi le drapeau kabyle  .

Avec les événements sanglants qui ont frappé les Amazighs du Mzab, les dirigeants du MAK font l’objet de menaces directes proférées par les dignitaires du régime raciste d’Alger les accusant d’être derrière ce qui se passe dans le pays Mzab. Ces menaces se sont amplifiées avec les dernières déclarations du Royaume du Maroc à l’ONU en faveur du droit de la Kabylie à son autodétermination.

Sur le plan sécuritaire, la Kabylie vit toujours au rythme des kidnappings, des « bavures militaires » qui ont coûté la vie à plusieurs citoyens kabyles, des attentats terroristes perpétrés au su et au vu des autorités algériennes qui maintiennent l’insécurité pour soumettre ce pays qui refuse d’abdiquer devant le colonialisme algérien.

En Kabylie, tout le monde s’accorde à dire que le terrorisme n’est rien d’autre que l’œuvre de l’Etat algérien.

III-Graves atteintes aux droits de l’homme  au Mzab :

Depuis 1962 et la prétendue « décolonisation » de l’Algérie, le peuple amazigh du Mzab s’est retrouvé face à une situation inédite : livré à une impitoyable politique de colonisation conjuguée à une politique d’arabisation outrancière visant à complexer le berbère par rapport à l’arabe et l’ibadite par rapport au sunnite. Ces plans acharnés et systématiques de dépersonnalisation visent évidement à soumettre le peuple mozabite à un Islam radical afin d’une part de gommer et d’anéantir à terme sa culture, son identité, sa civilisation; et d’autre part contraindre le peuple mozabite à fuir sa terre en raison d’une insécurité « sélective », ne visant que les mozabites et leurs biens; une insécurité savamment entretenue par l’Etat algérien qui maintient la région sous haute tension tout en exerçant un incroyable chantage économique à travers des taxes suivies de redressements fiscaux totalement arbitraires.

Après les décennies de politique d’arabisation et tous les moyens mis en œuvre pour y arriver, l’Etat raciste algérien a finalement échoué dans sa politique ethnocidaire. Il a alors entrepris  ces dernières années de passer à une politique carrément génocidaire visant l’expropriation et l’épuration raciale envers les Amazighs du Mzab ; une situation que l’on peut résumer en quelques points parfaitement explicites et vérifiables :

  • Spolier  les domaines  privés et collectifs des mozabites aussi bien dans la région du Mzab que dans  d’autres villes du pays…sans aucun motif valable ni indemnisation légale. Pour rappel,  les mozabites exercent un commerce prospère et florissant depuis la nuit des temps dans le Mzab et dans le monde à travers des échanges commerciaux internationaux.
  • Créer un déséquilibre  démographique  en faveur de la population arabe en noyant la région amazighe du Mzab  par  l’arrivée en masse d’émigrants en provenance des autres régions arabophones et en les encourageant  à travailler et  à s’y installer en leur construisant, notamment des  pôles résidentiels.
  • Effacement de  l’identité culturelle et du patrimoine civilisationnel amazigh du Mzab, d’abord par l’école qui «gomme» l’identité et l’histoire réelles de l’Afrique du nord, l’histoire de la région , les bâtisseurs de ses 7 Ksours ;  l’arabisation systématique des noms amazighs des villes et des quartiers, entraves et  découragement de l’enseignement de la langue Tamazight dans les écoles ; une langue soi-disant « nationale et officielle  »… ; la destruction méthodique et systématique des lieux  de culte, des mausolées et monuments historiques mozabites, notamment par des actes de vandalisme répétitifs et jamais sanctionnés…
  • Le peuple mozabite est victime d’une véritable politique de la terreur que lui applique sans pitié l’Etat algérien notamment par des attaques successives menées par les services de sécurité algériens et ses mercenaires. Ses attaques ont été maintes fois filmées et diffusées sur le net mais les auteurs de ces crimes bénéficiaient à chaque fois de l’impunité de la part des autorités judiciaires algériennes et du silence international. Pire encore, ce sont les victimes parmi les citoyens mozabites qui sont emprisonnés, pour « outrage à corps constitué » lorsqu’ils démontrent l’implication des services algériens dans le  massacre des mozabites  ou pour « atteinte à la sureté de l’Etat » lorsqu’ils en appellent à la protection internationale de l’ONU face à la monstruosité de l’Etat algérien.
  • Le citoyen mozabite est par ailleurs soumis à un véritable harcèlement : il subit  des arrestations arbitraires,  il est soumis à la torture et même au  viol dans les postes de police. Il est accablé par des peines sévères  avec des condamnations d’emblée à la prison ferme, des condamnations reposant toutes sur des affaires fabriquées de toutes pièces. Ce sont les jeunes mozabites qui étaient en situation de légitime défense pour sauver leurs vies et leurs biens qui ont fait l’objet de poursuites judiciaires et jamais les agresseurs qui n’ont jamais été inquiétés…
  • Des activistes  mozabites des droit de l’Homme, à leur tête le Dr Kamel Eddine Fekhar, qui risque la mort après plus de 60 jours, sont victimes d’arrestations et des poursuites judiciaires graves et injustes. 42 militants du Mouvement pour l’Autonomie du Mzab  ont fait l’objet d’arrestations illégales et infâmes  et ce pour avoir revendiqué  le respect des droits des Amazighs du Mzab, éveillé les consciences et alerté l’opinion internationale sur les graves dangers qui pèsent sur le peuple mozabite, notamment en publiant les photos et les vidéos mettant en cause les services de sécurité algériens dans les agressions racistes et meurtrières menées contre les amazighs du Mzab  dont 30 sont lâchement assassinés durant  ces événements .

Avec les plus récents événements et en raison du développement de la communication et de la technologie, le monde entier a pu constater par lui-même ce qui se passait dans les villes martyrisées du Mzab depuis les premières années de « l’indépendance » algérienne : Des agressions par des hordes criminelles et assassines ciblant les quartiers, les commerces mozabites, et agissant avec la complicité des services de sécurité algériens. Ces bandes organisées, composées de terroristes et de membres de services de sécurité algériens en grand nombre, attaquaient les quartiers mozabites. Des dizaines et même des centaines de ces agressions criminelles sont formellement documentées, et ont été diffusées dans le monde entier à travers les réseaux  sociaux et les satellites.

Illustré par les vidéos et les images de ces massacres organisés,  les conséquences ont été gravissimes et se sont soldés par :

  • La mort de plus de (30) trente  mozabites tués de manière atroce, souvent après avoir été torturés;
  • Des centaines  de blessés dont des blessés graves,  de très  nombreux handicapés ;
  • Le déplacement forcé de quartiers mozabites entiers  en raison des incendies et des pillages quotidiens qui ont ciblé des  centaines de maisons, de commerces, de palmeraies, de champs et même des  usines.
  • Les cimetières, les mausolées  et les monuments historiques mozabites, classés au patrimoine universel de l’humanité n’ont pas échappé au saccage et à la destruction

C’est pour avoir dénoncé la gravité de la situation et pour avoir appelé l’ONU à mettre le Mzab sous  protection internationale, que le docteur Kameleddine Fekhar, militant des droits de l’homme, a été illégalement  arrêté et inculpé avec plusieurs camarades pour «atteinte à la sureté de l’Etat ». Le Dr Kamel Eddine Fekhar a entamé le 03 janvier 2017 sa  5eme grève de la faim illimitée jusqu’à la liberté ou la mort. Son état de santé s’est profondément détérioré. Il  est en train de mourir à petit feu à cause de l’arbitraire et de l’injustice de l’État colonial algérien.

Le 08 juillet 2015, à la suite d’un conseil  présidé par Mr  Abdelaziz Bouteflika  regroupant le premier ministre  Mr Abdelmalek Sellal, le conseiller   du président  Mr. Ahmed Ouahia et le vice-ministre de la défense Mr. Ahmed Gaid Salah ; des décisions ont été arrêtées comme suit:

  • Mise de Ghardaia sous l’état d’urgence pour une période de 6 mois.
  • Mise de la région de M’zab et la gestion de la crise sous le contrôle du chef de la 4eme région militaire.
  • Arrestation de Kamel Eddine Fakhar et ses compagnons.

Plus de 21 mois de  détention (depuis09/07/2015) arbitraire, inhumaine  et  illégale des militants mozabites, les conséquences sont néfastes :

  • Trois décès : Mr Baouchi Afari ; Mr El Chikh Aissa ;Mr Gadouh Salah.
  • Tabakh Moussa 44 ans, handicapé et sont état de santé s’est détérioré pour cause d’absence de soins.
  • Boulenaache Said 66 ans, diabétique, prisonnier hospitalisé à cause d’une gangrène.
  • Plus de 350 jeunes arrêtés, 60 activistes et  militants des droits de l’Homme sont mis  sous détention provisoire  depuis  plus de 6 mois, des centaines de jeunes  sont recherchés par les services de sécurité.
  • Plus de 50 réfugiés mozabites sont contraints de quitter le pays  et demander l’asile politique  à travers plusieurs pays du monde.
  • Le préfet de Taghardayte (Ghardaia) a ordonné la démolition de logements appartenant aux mozabites sous prétexte qu’il s’agissait de constructions illicites dans le nouveau quartier «  IAOUMADE » dans la ville d’At Mlichet (Melika). Par contre, à proximité de ce quartier, les logements construits illicitement par des arabes débarqués de différentes villes (certains sont d’anciens terroristes) n’ont pas été démolis.

IV-Atteintes aux droits de l’homme au Pays Touareg :

Depuis 1962, le régime algérien considère les Touaregs comme des citoyens de deuxième catégorie après les Arabes. Ils sont éloignés de tout poste administratif local ou supérieur. Il n’y a même aucun officier touareg dans l’armée populaire algérienne.

Le pays  d’AHAGAR, dont la capitale est Tamenghasset (Tamenrasset), contient les wilayas suivantes : Ouaregla, Ilizi, Djanet, Tin Zaouatin, Timyawin, Adrar, In Salah, In Aminas, Bourdj Baji Mokhtar. Ce vaste territoire désert est laissé aux groupes islamiques armés et à la contrebande, avec toutes les richesses qu’il recèle comme le pétrole et le gaz. La région Touareg connait une marginalisation gravissime, un taux de chômage très élevé, un retard sur le plan du développement, sur les constructions d’écoles et d’hôpitaux, surtout dans la région In Gazame touchée par l’arme nucléaire française.

L’État raciste algérien vise l’expropriation et l’épuration raciale envers les Amazighs Touaregs, une situation que l’on peut résumer en quelques points parfaitement explicites et vérifiables :

* Spolier les domaines privés et collectifs des Touaregs.

* Créer un déséquilibre démographique en faveur de la population arabe en noyant la région par l’arrivée en masse d’émigrants en provenance des autres régions arabophones et en les encourageant  à travailler et à s’y installer en leur construisant, notamment, des  pôles résidentiels.

*Démolition des logements des Touaregs au quartier El Koumor  à Tamaghasset au mois d’avril 2016, le lendemain les citoyens Targuis ont manifesté contre la démolition de plus de 100 maisons de Bideinne. Les autorités algériennes ont réprimé le sit-in  par les forces de la gendarmerie qui ont utilisé les bombes lacrymogènes et procédé à des arrestations arbitraires.

*Le 1er octobre 2016, la gendarmerie algérienne a assassiné un jeune targui à In Gazame, qui traversait les frontières algéro-nigériennes. Les citoyens qui ont manifesté suite à cet assassinat ont été réprimés, cette fois ci, par l’armée.

*Le 24 octobre 2016, un jeune targui a été assassiné par balles réelles par l’armée d’occupation à la frontière Algérie-Azawad. Après quelques heures, la population est sortie dans la rue pour protester. La police coloniale a alors utilisé des balles réelles pour la disperser. Un manifestant a été tué et plusieurs ont été blessés. L’état algérien a imposé un couvre-feu et a exigé la fermeture des magasins.

*La police a encerclé la ville et arrêté les jeunes et les a embarqués en prison sans procès, ni présence d’un avocat en bafouant le droit des prisonniers à se défendre.

V-Conclusion :

Les autorités algériennes violent régulièrement les droits de l’homme, ils ont sévèrement porté atteinte aux droits humains. Le régime a continué à réprimer la liberté d’expression et la répression des sit in pacifiques, les marches et utilise toutes les  moyens mobilisant d’importants effectifs  de police  pour interpeller et incarcérer les défenseurs de droits de l’homme, surtout les activistes amazighs.

Nos recommandations : exiger la libération immédiate de tous les prisonniers politiques, notamment les mozabites, et obligiez les autorités algériennes à se conformer au droit international et d’arrêter sur le champ la politique d’agression à l’encontre du peuple amazighe.

Par : Khodir SEKKOUTI, Président Délégué pour l’Algérie de l’AMA.

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