le Maroc, avec la complicité de la France, poursuit son génocide linguistique à l’encontre de la langue maternelle et autochtone de la majorité de sa population

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Rabat, le dimanche 21 février 2021/2971

A l’aimable attention de
Mme. Audrey Azoulay
Directrice générale de l’UNESCO

Objet : le Maroc, avec la complicité de la France, poursuit son génocide linguistique à l’encontre de la langue maternelle et autochtone de la majorité de sa population

Madame la Directrice générale,

A l’occasion de cette nouvelle journée mondiale de la langue maternelle, permettez-moi de vous rappeler, encore une fois, la politique éducative de génocide linguistique affichée par le gouvernement marocain à l’encontre de la langue maternelle et autochtone de la majorité de sa population ; à savoir la langue amazighe. Les autorités marocaines continuent à ignorer les recommandations du Pacte international des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le rapport sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée d’octobre 2018 (https://amadalamazigh.press.ma/fr/lonu-demande-au-maroc-dintensifier-les-efforts-pour-que-les-amazighs-ne-soient-pas-victimes-de-discrimination-raciale/). Pire, le gouvernement marocain, sous la conduite de M. Saad Eddine El Othmani, viole carrément l’article 5 de la constitution du premier juillet 2011, la loi organique n ° 26.16, concernant la mise en œuvre du caractère officiel de la langue amazighe (votée à l’unanimité par les deux chambres du parlement), et publiée au Bulletin Officiel sous le numéro 6816, le 26 septembre 2019, et la loi organique n°04.16 portant création du Conseil National des langues, adopté le 12 février 2020.

Le ministère de l’Education Nationale persévère à se baser sur l’enseignement de la langue arabe classique, en excluant complètement la langue amazighe (et la darija) dans le préscolaire, et s’obstine à négliger les recommandations de l’UNESCO formulées déjà en 1962 ; à savoir de préconiser l’insertion de la langue maternelle dans l’enseignement primaire dès les premières années, et en violant délibérément les articles 7 et 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989.

Après le refus catégorique, incompréhensible et injustifiable, du ministre de l’Intérieur, M. Abdelouafi Laftit, d’intégrer la langue amazighe et sa graphie autochtone, le tifinagh, dans les nouvelles cartes d’identité nationale, le Conseil des Ministres marocain vient d’adopter le 11 février dernier une convention bilatérale votre état français pour l’enseignement de la langue arabe, faisant fi de la langue amazighe, comme s’elle n’était plus officielle et nationale. Pourtant, nous avons eu l’occasion d’adresser deux correspondances à Mme. Hélène Le Gal les 10 décembre de 2019 et 2020, à votre ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères M. Jean-Yves Ledrian (https://amadalamazigh.press.ma/fr/comment-la-france-et-leurope-pourraient-elles-lutter-efficacement-contre-lislamisme-radical/)  et inclut votre propre président (https://amadalamazigh.press.ma/fr/monsieur-emmanuel-macron-president-de-la-republique-francaise-pourquoi-vous-acharnez-a-arabiser-et-a-deraciner-les-amazighs-de-france/). Tous continuent à ignorer l’importance de la langue maternelle dans les conventions bilatérales, et passent sous silence les conseils du votre  linguiste Alain Bentolila, qui avait affirmé justement, dans sa présentation inaugurale du 15 novembre 2019, à Paris à la Conférence des ministres des Etats et gouvernements de la Francophonie, -dont fait parfaitement partie le Maroc-, que : «  les systèmes éducatifs de certains pays, aussi coûteux qu’ils soient, sont devenus des machines à fabriquer de l’analphabétisme et de l’échec scolaire parce qu’ils n’ont jamais su (ou voulu) résoudre la question qui les détruit : celle du choix de la langue d’enseignement. Ils conduisent des élèves à des échecs cruels parce que l’école les a accueillis dans une langue que leurs mères ne leur ont pas apprise et c’est pour un enfant une violence intolérable.  .. c’est sur la base solide de leur langue maternelle qu’on leur donnera une chance d’accéder à la lecture et à l’écriture et que l’on pourra ensuite construire un apprentissage ambitieux des langues officielles». Orc’est précisément dans ce sens qu’on comprend parfaitement le pourquoi du tragique abandon scolaire de 3 millions d’enfants marocains sur dix ans, selon les données officielles du Haut-Commissariat au Plan !

Toutefois et à l’approche des élections législatives, M. le Ministre Said Amzazi de l’Education Nationale se réjouis d’avoir signé récemment avec l’Institut Royal de la Culture Amazighe (IRCAM), un protocole d’accord pour former 400 enseignants à la langue amazighe, chaque année, dans le but d’atteindre l’objectif de généralisation de l’enseignement de cette langue à l’horizon de 2026. Pourtant, pour la première année du cycle primaire, il faudrait au moins 5.000 professeurs spécialisés en amazigh, ce qui demanderait une douzaine d’année. Et pour former le reste des années du primaire, cela nécessiterait 100.000 professeurs pour les 5 millions d’écoliers, il nous faudrait un siècle !

Madame la Directrice générale,

Nous tenons à saluer la décision de la destitution la représentante de l’UNESCO pour le Maghreb, la libanaise Mme. Golda El-Khoury, qui manifestait un mépris à l’égard des citoyen-ne-s marocain-ne-s, à l’exemple de son compatriote Marc Saïkali, directeur général de votre chaîne France24. A l’instar de beaucoup de personnes des pays du Golfe, Mme. El-Khoury et M. Saïkali, aveuglés par des considérations idéologiques, considèrent les marocains comme de « faux-Arabes ». Et par conséquent, ils ne veulent pas admettre, comme vos nombreux politiciens français et votre président, que les marocains, et par extension tous les nord-africains, ne sont ni de faux ni de vrais Arabes, simplement, ils ne sont point des Arabes !

En conclusion, à l’exemple de votre père, nous aimerions bien que vous exprimiez votre orgueil d’appartenir à l’identité amazighe, et de faire de votre mieux pour convaincre la communauté politique et plus particulièrement les responsables éducatifs du Royaume du Maroc et de la République française de l’importance de la langue maternelle. Qu’ils sachent, une fois pour toute, que la langue maternelle des citoyen-ne-s des pays de Tamazgha et les citoyen-ne-s français-e-s issues d’Afrique du Nord n’est pas du tout la langue arabe classique, mais, bel et bien la langue amazighe (et dans une certaine mesure la darija).

En espérant avoir attiré votre attention et vous conduire à vous pencher consciencieusement sur ces légitimes requêtes, qui cadrent parfaitement dans la décennie internationale des langues autochtones (IDIL 2022-2032) que vous projetez lancer à partir de 2022.

Nous vous prions d’agréer, Madame Azoulay, l’expression de notre considération fort distinguée.

Signé : Rachid RAHA,

 Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe.

En copie :

  • M. le Président de la République française et M. le président du gouvernement marocain
  • M. le Ministre marocain de l’Education Nationale et Mme Ambassadeur de France au Maroc
  • M. le DG de la Banque Mondial
  • Mesdames et Messieurs les députés de la Première chambre du Parlement français et marocain
  • Mesdames et Messieurs les eurodéputés du Parlement européen
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