Lettre ouverte au Président de la Sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement Européen à propos du Hirak Rif

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Lettre ouverte au Président de la Sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement Européen à propos de la grave situation des droits de l’Homme au Royaume du Maroc

A son excellence M. Pier Antonio PANZERI

Président de la Sous-commission des Droits de l’Homme du Parlement Européen

Objet : Rappel de la promesse de votre visite à la région du Rif et le silence incompréhensible à propos de la grave situation des droits humains  au Royaume du Maroc

Excellence,

Laissez-moi vous rappeler de nouveau que lors de notre rencontre au sein de votre bureau au Parlement européen, que vous avez eu l’amabilité de nous recevoir le mardi 27 juin 2017, vous nous avez manifesté votre désir et votre volonté de visiter le Maroc et de vous déplacer en personne à la région du Rif, qui fût et qui est toujours le théâtre de flagrants violations des droits humains.

Nous vous informons que la Rapporteuse Spéciale des Nations Unies sur les formes contemporaines de racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et formes connexes d’intolérance, Mme Tendayi Achiume, était en visite au Maroc, et elle a eu le privilège de rencontrer plusieurs ONG de défense des droits humains dont la nôtre. Elle nous avait reçus au siège de la délégation de l’ONU à Rabat le 14 décembre dernier où on lui a offert en mains un rapport (voir la copie en PJ), qui aborde les flagrantes violations des droits humains dans la région du Grand Rif marocain en ces termes : «Malheureusement, les autorités marocaines, au lieu de respecter les recommandations de l’ONU et améliorer la situation des droits de l’homme, au sein des différentes régions du Maroc, s’est obstiné à continuer à violer les droits de l’homme les plus élémentaires des populations amazighes, comme en atteste l’approche sécuritaire, caractérisé par une sévère  répression des jeunes amazighs du « Mouvement populaire du Rif » des provinces de la région du Rif. Des jeunes qui revendiquaient des infrastructures, des hôpitaux, des universités se sont retrouvés condamnés à vingt ans de prison, sous la fausse et prétexte accusation de séparatisme.

Avec grand étonnement, afin de répondre aux revendications légitimes d’ordre économiques, sociales, culturels et environnementales des jeunes rifains, l’Etat marocain a fait usage de la répression aveugle et de la violence disproportionnée, contre des milliers de citoyennes et citoyens qui sont sortis pacifiquement pour protester dans la ville d’ Al-Hoceima et dans d’autres villes et villages du Rif. Après une campagne d’arrestations arbitraires menée sans respect pour la loi ni pour les chartes internationales des droits de l’homme (dénoncés à l’époque même par le Conseil National des Droits Humains ), et en chassant sans aucune justification les journalistes étrangers, l’Etat a orchestré des campagnes médiatiques pour diaboliser et discréditer les manifestants dans le Rif et dans les autres régions du pays. Il a procédé à l’arrestation du leader de la protestation, Nacer Zafzafi et plus de 500 activistes de la contestation populaire dans le Rif. Des peines allant de 20 ans de prison ferme à un an de prison avec sursis ont été prononcées, prononcées le 26 juin dernier par la Chambre criminelle de la Cour d’Appel de Casablanca à l’encontre des accusés dans les événements d’Al Hoceima, en avançant plusieurs chefs d’inculpation, comme « atteinte à la sécurité intérieure de l’État »,  « tentatives de sabotage, de meurtre et de pillage »,  « réception de fonds, de donations et d’autres moyens matériels destinés à mener et à financer une activité de propagande à même d’attenter à l’unité et la souveraineté du Royaume », « d’ébranler la loyauté des citoyens envers l’État marocain et les institutions nationales »,  « la participation à l’organisation d’une manifestation non autorisée » et  « la tenue de rassemblements publics sans autorisation »…Alors que leur tort et la raison profonde de ces accusations raciales et de séparatisme de la part d’un pouvoir qui se croit « Arabe » à l’encontre des populations autochtones amazighes c’est le fait que les manifestants brandissaient des drapeaux identitaires amazighs et des drapeaux de la république de Rif qu’avait créée le grand révolutionnaire Mohamed Abdelkrim El Khattabi dans les années vingt, et qui fait partie désormais du patrimoine historique de tous les citoyennes et citoyens marocains, et que l’Etat marocain devrait en assumer dans sa politique de réconciliation avec son histoire sociale et populaire. ».

Du fait que, selon les membres de sa famille, la santé de Zefzafi s’est détérioré dernièrement et que la nouvelle présidente du Conseil National des Droits de l’Homme (CNDH), Mme. Amina Bouyach, affirme le contraire en déclarant que « l’état de santé de Nasser Zefzafi ne suscite aucune inquiétude », nous aimerions bien vous redemander à votre Excellence d’accomplir votre promesse afin de  nous rendre visite sur le terrain et ce en pro de nous éclaircir les choses. Oui, il serait très judicieux que vous programmez le plutôt possible la dite visite et ce afin de rencontrer les responsables gouvernementaux et les acteurs des ONG des droits humains, comme elle vient de le faire merveilleusement Mme. Achiume, et auparavant Mme. Navi  PILLAY, précédente Haut-Commissaire des Droits Humains de l’ONU.

Récemment, Mme. Federica MOGHERINI, Haute Représentante de l’Union Européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-Présidente de la Commission européenne, était en visite éclair au Maroc le 17 janvier, et elle a eu même une rencontre avec le chef de l’Etat, le roi Mohamed VI, mais elle a malheureusement exclu toute rencontre avec la société civile et exclu toute référence à la question des droits humains dont la situation des prisonniers des mouvements populaire du Rif, de Jrada, de Immeder, … se détériorent chaque jour.

Et cela en dépit de savoir que l’Union Européenne est liée à  l’État marocain par un «accord d’association». Un accord entré en vigueur depuis le 1er mars 2000, et « un statut avancé » signé le 13 octobre 2008, témoignant de la volonté affirmée du royaume du Maroc de se rapprocher de l’Union européenne et qui  tend vers une convergence réelle, institutionnelle avec l’UE, prônant une action dans la coresponsabilité et la codécision pour un partenariat multidimensionnel. Un statut renforcé par les négociations pour un Accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) à partir du 1er mars 2013.

Mais laissez-moi vous rappeler et souligner de nouveau que cet historique accord d’association entre l’Union Européenne et le Royaume du Maroc ont pour objectifs essentiels, notamment, la promotion effective de la démocratie et le respect des droits de l’Homme, comme le stipule le passage ci-après : « Le respect des principes démocratiques et droits fondamentaux de l’Homme, tels qu’énoncés dans la déclaration universelle des droits de l’Homme, inspire les politiques internes et internationales de la communauté et du Maroc et constitue un élément essentiel du présent accord».

En étant à votre disposition, veuillez agréer, Excellence Pier Antonio PANZENI, nos salutations fort distinguées

Rachid RAHA, Président de l’Assemblée Mondiale Amazighe

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